samedi, novembre 19, 2005

Question de sécurité


Récemment, un auteur américain nommé Thomas Frank était à la radio, sur une station d’info (NPR), et il a dit une chose qui m’a bien frappé.

Frank a écrit un livre qui a fait beaucoup de bruit il y a un peu plus d’un an. En anglais, le livre est intitulé « What is the matter with Kansas ? How Conservatives won the Heart of America ». Ce livre qui cherche à comprendre ce « qui se passe » ou « ce qui ne va pas » avec le Kansas, l’état natif de Thomas Frank, a mis le doigt sur le paradoxe contemporain de la politique américaine.    

Le paradoxe est relativement simple à décrire : les gens qui votent en grande majorité pour les Républicains conservateurs, comme les gens du Kansas, ce sont aussi les gens qui bénéficient le moins de la politique conservatrice. C’est des gens pauvre, en situations précaires qui ont besoin de l’état. Or en votant pour les Républicains, ils votent contre leurs intérêts économiques.

Le paradoxe est plus difficile à expliquer : selon Thomas Frank – et je suis d’accord avec son analyse – les Républicains ont réussi à séduire – d’où la référence au « cœur » dans le sous-titre du livre – les citoyens ordinaires. Mais c’est une séduction étrange. C’est une séduction basée sur la peur et non sur l’amour.

Les pauvres, les ouvriers et la classe des travailleurs en général, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, se sentent menacés. Leurs emplois sont précaires ; même les emplois avec anciennetés sont en danger. Qu’importe le poste, le bureau, l’usine ou l’industrie, l’emploi en général peut être délocalisé, envoyé au Mexique, en Europe de l’est ou en Asie, ou…

De plus, le pluralisme de la société américaine – les immigrés, la présence croissante des femmes et des noirs dans le marché du travail – mais aussi les questions d’intégration des homosexuels, le retrait des soi-disant valeurs traditionnelles ou bibliques – semble menacer la vie quotidienne et traditionnelle de ces gens.

Mais le problème est qu’ils ne reconnaissent pas la source de leurs ennuies. En blâmant les femmes, les noirs, les immigres, les homosexuels et les gauchistes, ils ne réalisent pas que la vraie menace ne vient pas d’eux mais précisément de la politique pour laquelle ils votent : la politique du marché capitaliste. En plus de ces « maux », les Républicains exploitent le terrorisme comme une attaque de plus contre ces gens. D’où Bush se fait  réélire avec la question de la sécurité.

La sécurité fait élire ; la sécurité rend populaire.

Thomas Frank proposait qu’il faut élargir le sens du mot « sécurité », l’élargissant au delà du terrorisme. Réalisons que la sécurité est belle et bien la question du début de siècle.
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