samedi, janvier 07, 2006

Pauvre Monsieur Finkielkraut

Et le débat continue…ou en tout cas, un semblant de débat continue. Regardons le cas du journal Le Monde. Dans les rubriques « Point de vue » et « Opinions », deux articles intéressants continuent l’affaire Finkielkraut.  

Monique Dagnaud relate la suite d’un débat entre Sylvains Bourmeau et Alain Finkielkraut, qui s’est tenu sur les antennes de France Culture le 28 novembre. L’article mentionne à peine le débat même ; c’est surtout les réactions – ou l’expression des « passions » selon Dagnaud – qu’il faut apprécier. Avant tout, la plainte déposée par le MRAP est immédiatement mentionnée ; on nous dit aussi qu’il y avait des rumeurs d’une « démission forcée » pour le « philosophe ».

En tant que sociologue, faisant les calculs, Dagnaud nous apprend que :

« Les positions sont tranchées : sur 457 messages, 355 (78 %) constituent des déclarations enflammées pour ou contre Alain Finkielkraut et/ou ses idées ; et seulement 9 (2 %) expriment un certain balancement sur ce qu'il faut penser des arguments échangés. Restent 93 messages (20 %) aux contenus hétérogènes : 22 d'entre eux ciblent Alexandre Adler qui, à la fin de l'émission, a menacé de démissionner de France-Culture si Alain Finkielkraut devait partir — un geste qui chauffe bravos et huées ; 26 messages s'adressent aux autres chroniqueurs ; 20 encensent ou plus rarement déplorent l'organisation d'un tel débat ; les autres sont des demandes d'information. »

Très bien. Et alors ? L’article s’était posé la question suivant :

« Et surtout, quel contrepoint donne-t-elle à l'opinion des médias, généralement assez critiques, qui ont rendu compte de l'article d'Haaretz ? »

Le résultat ? Apparemment seulement 25% des emails envoyés critiquaient le philosophe. Du coup, on voit un Alain Finkielkraut, victime des medias, exprimant la voix de la population générale ! Voila… Pauvre Monsieur Finkielkraut. Le pauvre héro ! La victime des media.

Fokke Obema continue la defense de la victime – cette fois-ci de la Hollande. D’après Obema, c’est « le règne du politiquement correcte » qu’il faut blâmer, et non pas les propos même de Finkielkraut.

De nouveau, la plainte du MRAP est de nouveau mentionnée – sans cette fois-ci préciser que la plainte était retirée une fois que Finkielkraut s’était excusé. Obema nous dit :

« En faisant preuve d'une telle intolérance, le politiquement correct s'est montré sous son jour le plus sombre. Il serait pourtant utile de briser les tabous afin de pouvoir débattre librement. »

Voila. Encore une fois, Finkielkraut devient la victime, cette fois-ci d’un mouvement anglo-saxon qui existe à peine en France, où l’expression « politiquement correcte » n’a aucun sens défini. Qu’importe, apparemment.

Habitant aux Etats-Unis, je peux certainement être d’accord avec l’avis selon le quel le mouvement PC – politiquement correcte – peut aller trop loin, ou même devenir ridicule parfois. Mais là n’est pas la question. Ce n’est pas ça le problème de Finkielkraut.

Deux remarques sur ce que le PC est et n’est pas:

  1. PC peut devenir une nuisance ; il peut aussi même nuire à ceux qu’il veut défendre étant donné sa mauvaise réputation. Ceci dit, le moouvement aux Etats-Unis a donné une voix et a cherché à respecter les groupes marginalisés de la société américaine. Le model Français d’intégration ne laisse jamais de place pour une telle diversité. Les émeutiers exprimaient en parti ce ras le bol de la marginalisation. Même le gouvernement de Chirac a reconnu qu’il faudrait – par exemple – plus représentation des maghrébins à la télévision. Ca c’est le politiquement correcte. Dire à Finkielkraut que ses propos sont injustes et rendent pire la situation c’est lui rendre justice.  

  2. Politiquement correcte n’est pas une invitation à dire n’importe quoi. Aux Etats-Unis, la droite américaine a adopté le langage de PC pour essayer d’imposer « intelligent design » (dessein intelligent) en disant que la majorité darwinienne étouffe cette minorité. Le PC vient de la philosophie politique du 19eme siècle ; son but est de permettre à ce qui n’ont pas de voix – pas des gens qui ont leurs propres émissions ! – la possibilité d’être respectés. Le PC cherchait à souligner le fait que la majorité peut être ignorante de ses faiblesses. Donc même si Monique Dagnaud a raison que la majorité soutient Finkielkraut, ca ne change pas le fait que ce n’est pas lui qui a été marginalisé. Ce n’est pas lui que la police arrête à chaque coin de la rue. Ce n’est pas lui qui n’obtient pas de boulot. Ce n’est pas lui qui doit vivre dans la banlieue pour trois générations de suite. Ce n’est pas lui qui est sans espoir.

Essayer de comprendre la cause des émeutes n’est pas donner raison à la violence. Inciter la violence, en traitant ce problème de quelque chose « ethnico-religieux », ca c’est une bêtise. Ce n’est pas que Finkielkraut était politiquement incorrecte ; c’est son analyse qui était incorrecte. Le rendre victime – lui, le « philosophe » -- c’est simplement divertir l’attention des vrais problèmes. Il ne faut pas se laisser hypnotiser par son éloquence, et maintenant ses cris de victimes.  

Comme on l’a appris récemment dans un article du Libé, Finkielkraut « a decouvert la jouissance d’être minoritaire ». Plus il persiste à se présenter comme victime, plus il fait tort à la société. Plus il se réjouit, moins on parle des causes des émeutes. Obema conclut son article en disant

« A Paris comme ailleurs dans le pays, critiquer l'islam, c'est risquer de se retrouver sur le banc des accusés. L'écrivain Michel Houellebecq en a fait l'amère expérience. »

Pauvre Alain et Michel, victime du grand lobby politique Islamique en France ! Grand merci à Le Monde ! Ces pauvres gens avaient besoin d’être entendu. Merci !  
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