lundi, mars 27, 2006

La trace

Aujourd’hui, j’étais sans internet – panne du réseau. Etrange vie sans la toile. C’était peut-être mieux car j’avais déjà trop à faire et je n’ai pas pu satisfaire ma maladie politique. Et maintenant il y a trop à lire et trop à absorber. Je préparais un cours sur la Commission Vert et Réconciliation en Afrique du Sud. Je dois présenter ce fait relativement unique en trois heures à des étudiants ce soir. Je ne peux pas me permettre de passer plus de temps su le net ! Mais pendant la lecture affolante de la journée, j’ai retrouvé une anecdote, simple, effrayante que j’ai pensé partager. D’habitude, j’essaie de me limiter au maximum aux choses politiques directement américaine, française ou moyen-orientale…mais une fois n’est coutume… La commission a livré un rapport de presque trois milles pages à Nelson Mandela. Parmi ces pages difficiles à lire, où la cruauté mais aussi la beauté de tout ce qui est humain hante le lecteur, j’ai retrouvé cette petite histoire. Elle est trop belle. Elle est trop cruelle. Elle est fait réfléchir. Alwinus Mhlatsi raconte comment il était arrêté par la police, par erreur, le prenant pour un homme de la résistance contre l’apartheid. (Le mot apartheid vient du français « à part ».) Il raconte comment il était torturé, au point que, à son retour, défiguré et presque déshumanisé, son propre enfant a eu peur de sa figure déchirée. Pendant son témoignage, il dit qu’il a retrouvé – quelque temps plus tard – son bourreau. Il le cherchait exprès pour le tuer, pour se venger. Mais le bourreau était maladif, déjà mourrant. Mhlatsi l’a pris dans ses bras, l’a nourri et l’a conduit à l’hôpital. Tutu – le chef de la Commission – lui demande pourquoi. Il répond simplement : J’ai des enfants. Je travaille pour leur avenir. La vengeance c’est pour le passé. Puis, enfui dans le long témoignage, on trouve cette anecdote à propos de sa femme. Elle travaillait dans une ferme, tous les jours, pour la somme de 65 cents américain par mois ! En 1990… En 1994, fiers, sans rancune, le mari et la femme vont voter pour la première fois de leurs vies. Voter c’est penser à l’avenir ; c’est penser aux enfants. Mais elle n’a pas pu voter… Elle avait tellement labouré ; elle avait tellement usée ses mains à la ferme pour moins d’un dollar par mois que ses doigts n’avaient plus d’empreints. Elle – comme beaucoup d’autres femmes – avaient des doigts si marqué par l’injustice qu’elle ne pouvaient même plus voter. Elle ne pouvait même plus entrer dans le system bureaucratique d’identité. L’exploitation l’a privé même de l’avenir…
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