vendredi, avril 07, 2006

La résurrection Américaine

Dans une lettre à Freud, Romain Rolland (prix Nobel de la littérature 1916), lui demandait de reconnaître quelque chose de plus, au delà de la religion même – que Freud venait de critiquer dans son livre L’avenir d’une illusion. Rolland parlait d’un « sentiment océanique », de grandeur que nous éprouvons. Freud, sèchement, lui avait répondu que non seulement il n’éprouve pas de tels sentiments, l’analyste peut aisément prouver l’origine psychologique de ce genre d’attachement ou d’illusion dans l’évolution psychologique de l’enfant.

J’ai souvent parlé du phénomène religieux en Amérique, qui ne peut que surprendre. Les étrangers qui viennent dans ce pays, sont choqués de voir le rôle – social et politique – de la religion dans le quotidien américain, et se demandent souvent comment ce pays si industrialisé peut se croire religieux. Que ce soit la vie matérialiste ou la politique individualiste et sans pitié du pays, on ne peut que s’étonner. Encore un paradoxe américain…

Les américains même semblent ignorer du paradoxe, ou en tout cas ils ne s’en soucient pas. D’ailleurs, cette « exception américaine » renforce l’image qu’ils ont d’être unique. La religion renforce l’image « morale » qu’ils ont d’eux-mêmes.

Je n’ai jamais douté que la religion ne joue qu’un rôle sociopolitique ici. Ayant vécu dans des pays réellement religieux, celui-ci – je peux le dire sans hésitation – ne l’est pas.  

Mais pourquoi cette « exception » ? A mon avis, il a y au moins trois causes :

  • Les américains n’ont pas une identité historique aussi profonde que les autres pays majeurs de la scène internationale. Ca semble un cliché mais je pense sincèrement que ça leur donne une identité.

  • De plus, dans les pays capitalistes, on éprouve une crise constante d’identité – d’aliénation – et la religion donne une sorte de refuge. Ca donne bonne conscience aux gens qui ont trop d’argents en leur permettant d’exercer une certaine philanthropie (limitée), surtout en absence d’un état de providence comme dans les pays Européens ; ça rassure aussi les pauvres en leur permettant d’avoir de l’espoir.  

  • Troisièmement, ce qui permet aux deux causes précédentes de persister aux Etats-Unis, c’est l’histoire politique du pays. Quand historiquement la religion est officiellement associée à la politique – qui toujours, tôt ou tard, dégoûte tout le monde – le peuple ne pardonne pas ce mariage de pouvoir. En Europe, l’église a une longue histoire de collaboration directe et officielle avec la politique et les Européen n’ont jamais pardonné l’église. De même, je suis convaincu que l’avenir de l’Iran est athée. C’est obligé. En Iraq, qui était un pays séculaire, les gens se tournent vers la religion. Ils n’ont pas encore vécu les conséquences de la religion politique. Aux Etats-Unis, la religion – même quand elle est proche du pouvoir – par principe, elle reste dissociée. Les premiers américains sont venus dans ce pays pour exercer la religion librement quand ils ne pouvaient le faire en Angleterre. Qu’importe à quel point les politiciens se disent religieux, ils obéissent leurs intérêts économiques et politiques en premier lieu. Ainsi, ce président Bush qui se dit très religieux a facilement – très facilement – ignore sa propre église – et la majorité absolue des autres églises – qui s’opposaient à la guerre en Iraq. En anglais, il y a l’expression « pay lip service », qui veut dire faire semblant de croire…Les politiciens américains parlent de la religion et de la charité et passent des lins qui démolissent les pauvres ; ils parlent d’éthique et on a la guerre en Iraq. La liste est longue.    

C’est trop simplifier les choses et je pourrais parler de ces phénomènes pour longtemps mais en tout cas je n’ai jamais été persuadé que la religion même – la doctrine – est respectée.

Mes amis religieux – y compris les collègues théologiens – me disent souvent que j’ai tort et qu’il y a du sacré en Amérique. Je persiste à croire que la religion même n’est pas prise au sérieux.

Cette semaine, ce sondage vient d’être publié : « Croyez-vous qu’après la mort, votre corps sera un jour aura l’expérience de la résurrection ? »

A la surprise des théologiens et des prêtres, seulement 36 pourcent de Oui ! Même parmi eux, même pas la moitié en est certaine.

Le président d’un séminaire baptiste avoue que la majorité des américains se disent théiste mais il faut voir qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent.

    
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