dimanche, avril 23, 2006

Une si fragile forme de vie

La démocratie est une forme très fragile, toujours susceptible d’autodestruction. Avec la démocratie vient la liberté – celle de l’expression, celle de la pensée, celle de l’expérimentation. Pensez-y, c’est une forme de vie qui en soi accepte la contingence des choses ; elle s’ouvre vers le monde du possible. Elle est indéterminée – après tout, pourquoi votons-nous régulièrement? N’est-ce pas là un aveu institutionnel que nous ne savons pas où nous allons, et que c’est tant mieux ? N’est-ce pas un aveu que nous avons le droit et el devoir de changer d’avis car nous avons une forme de vie collective si fragile ?

Mais cette liberté, mal comprise, devient enivrante. L’inconfort qui vient avec la contingence doit être vécue avec patience et sagesse. La montée des extrêmes en Europe et aux Etats-Unis est à mon avis un très mauvais signe pour l’avenir car les peuples démocratiques semblent fatigués. Ils sont épuisés par le monde qui change et se transforme à une grande vitesse. Revenir en arrière, retrouver le bon vieux temps, redevenir Français, redevenir religieux, redevenir une nation, retrouver les valeurs familiales, retrouver la sécurité – financière et personnelle – d’avant…ces désirs alimentent la montée en puissance de la droite partout au monde.

Chez Ceteris Paribus, une bonne discussion a commencé hier. L’hôte avait mentionné un sondage selon lequel la majorité des américains préfèrent que les décisions militaires soient prises par des généraux et non pas par les politiciens. Menant à cette bonne réflexion :

« Mais l'impression dégagée par le sondage est quand même troublante : seul 1 Américain sur 5 adhère vraiment à l'idée, pourtant essentielle en démocratie, selon laquelle l'armée doit être sous le contrôle du pouvoir civil. »

Je suis bien d’accord que c’est un problème et que bon nombre d’idées « essentielles en démocratie » sont menacées. Mais je ne suis pas convaincue que celle-ci, l’affaire militaire, pose un problème grave.

Je trouve que c’est l’écroulement du mur qui séparait la religion et la politique – aux Etats-Unis et au Moyen-Orient – qui est particulièrement lamentable et dangereux.

Si la démocratie, comme je l’ai dit, nécessite l’acceptation de la fragilité de la vie commune, la religion est l’anti-dote. La religion est la réponse aux soucis de la contingence ; la religion c’est la promesse de la nécessité, de l’absolu face à un monde qui change à une vitesse cinglante.  

Le sondage qui me donne les frissons encore plus que l’affaire militaire :

« Pensez vous que (1) Dieu a crée l’homme dans son état actuel, (2) que Dieu a guidé l’homme à travers l’évolution pour arriver à son état actuel, ou (3) l’homme a évolué naturellement ? »

  • Position (1) : 53%

  • Position (2) : 23%

  • Position (3) : 17%

Soyons clair : la première position est purement religieux, et la seconde c’est de la religion cachée (dessein intelligent).

Donc presque 75% de la population serait contre l’explication scientifique.

Et quand on essaie d’en parler ? On nous dit que le christianisme est attaqué et que la gauche cherche à mettre la religion à part. Mieux encore, la gauche cherche à en faire une sorte d’apartheid. C’est ahurissant, pourtant. Seule une personne sur dix aux Etats-Unis se dit ouvertement athée. Essayez d’être élu sans être religieux, essayez de maintenir un discours éthique sans la religion dans ce pays…on verra qui est le plus menacé.

Comme je l’avais déjà dit, la distraction continue ; le débat sur l’insécurité continue sur le mauvais chemin.

Cette remontée acide de la religion, la défense de l’irrationnel, ça c’est terrorisant.  
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