vendredi, juin 16, 2006

Simple comme du Chinois

Aujourd’hui, Le Monde se penche sur l’interdépendance sino-américaine. En effet, ces deux géants ont beaucoup en commun : « Leur relation inaugure un nouveau paradigme dans les relations internationales : la fracture stratégique dans une globalisation partagée. Une géopolitique centrifuge et une économie centripète tirent en sens contraire et finissent par se neutraliser. En dépit de la montée du soupçon mutuel, les deux pays sont ligotés par un "Je te tiens, tu me tiens...", sorte d'équilibre de la terreur économique qui se déploie sur trois fronts principaux. » Non seulement l’économie chinoise progresse à un taux vertigineux de presque 10% par an, s’imposant comme une force économique majeure, la Chine :
  • Est le troisième exportateur mondial
  • Est le deuxième consommateur du pétrole, après les Etats-Unis. Pour le moment, la Chine importe 40% de sa consommation. D’ici 2030, ce taux est voué « à passer à 80 % »
De plus : « la Chine est devenue le créancier de l'économie américaine. Assise sur un trésor de réserves de changes de 900 milliards de dollars, elle s'est lancée ces dernières années dans des achats massifs (pour 320 milliards de dollars) de bons du Trésor américains. Deux raisons principales motivent cette politique. D'abord, la demande chinoise permet de défendre la valeur du billet vert et donc de protéger la compétitivité monétaire du "made in China". Eviter que le yuan ne s'apprécie substantiellement par rapport au dollar est une priorité à Pékin. Ensuite, cet appétit de bons du Trésor maintient les taux d'intérêt américains à bas niveau, encourage la consommation - surtout de "made in China", très bon marché - et, finalement, décourage les pressions inflationnistes. » Il n’y a pas de doutes que la Chine a bien adopté le model américain. Considérons un sondage de cette année, mesurant la popularité du capitalisme. Le taux d’approbation :
  • Chine : 74%
  • Etats-Unis : 71%
  • France : 36%
Deux fois plus que les Français, et même plus que les Américains ! Donc l’article nous montre bien l’incontournable nécessité de cette « amitié » forcée. Mais la Chine poursuit un jeu encore plus nuancé, au-delà de ce que Le Monde nous fait croire. La semaine dernière, l’Organisation de la Coopération de Shanghai (OCS) s’est réunie pour son sixième anniversaire. La présence du président Iranien à ce sommet a fait la une des journaux : « Le président chinois Hu Jintao a rencontré vendredi à Shanghai le président iranien Mahmoud Ahmadinejad pour un échange de vues sur les relations bilatérales et la question nucléaire iranienne. Le gouvernement chinois, a dit Hu, attache une grande importance au développement de ses relations de coopération amicale avec l'Iran et espère élargir continuellement la coopération bilatérale. » Mais cette coopération est plus approfondie qu’elle en a l’air. La Chine ne veut pas simplement un tête-à-tête avec les Etats-Unis. L’OCS : « Fondée le 15 juin 2001, l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) compte aujourd'hui six pays membres, qui sont la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. Il s'agit d'une organisation régionale de coopération multilatérale, créée sur la base d'un mécanisme de concertations entre les chefs d'Etat des "Cinq pays réunis à Shanghai". Elle prône en effet une nouvelle vision de sécurité, un nouveau modèle de coopération régionale et un nouveau type de rapports entre les Etats. Les pays membres ont renforcé leur confiance et leur coopération sur le plan militaire et intensifié leur collaboration substantielle dans la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l'extrémisme, parvenant ainsi à un consensus sur un soutien mutuel en vue de prévenir et de résoudre pacifiquement les conflits d'ordre international. A la lumière de "l'esprit de Shanghai" basé sur la confiance mutuelle, les avantages réciproques, l'égalité, les consultations et le respect d'une civilisation multiple, l'OCS s'est appliquée à promouvoir l'établissement d'un nouvel ordre politique et économique, équitable et raisonnable, dans le monde, contribuant par là au maintien de la sécurité et de la stabilité dans la région. » La Chine utilise le model Euro- Américain à ses avantages. En ayant la Russie à ses cotés, deux membres du Conseil de Sécurité de l’ONU créent un pole politique non négligeable : d’ailleurs, « Le Pakistan, la Mongolie et l'Inde en sont des membres observateurs. Comme l'est aussi l'Iran. » « En termes de population, de surface et de ressources, l'OCS est bien plus vaste que l'Otan ou l'UE. Elle éclipse les organisations régionales plus anciennes. Ce n'est pas encore un pacte mutuel de défense mais cela va dans ce sens, au fur et à mesure que les liens militaires sino-russes se resserrent. Sa charte défend la "non-ingérence et le non-alignement" tout en cherchant à créer "un nouvel ordre politique et économique international". David Wall, du programme asiatique de Chatham House l'appelle "un club pour autocrates et dictateurs". » En se protégeant les uns et les autres, ces membres ont aussi adopté le discours de « sécurité » à l’américain : « Le président chinois, Hu Jintao, dit que l'OCS représente "un nouveau concept de sécurité" basé sur la confiance et le bénéfice mutuels. "L'expérience a montré que l'OCS est une force importante pour préserver la paix régionale et mondiale", a-t-il déclaré la semaine dernière. Les relations sino-russes, constituant de plus en plus la pierre angulaire de ce groupe, n'ont jamais été meilleures, a-t-il dit. » Avec Ahmadinejad et Poutine, la Chine a plus d’amis qu’on le croirait.
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